La blockchain, la tokenisation et les « platformes »

Pascal TALLARIDA est intervenu lors de la conférence à Amboise du 21/06/2019 au sujet des blockchains, de la tokenisation et de la « plateformisation » de la finance. P. TALLARIDA est le président, directeur général et co-fondateur de la société Jarvis, à l’initiative de Jarvis.network, une plateforme financière, et Jarvis.exchange, un protocole permettant d’accéder à n’importe quel marché financier. A ce titre, il s’est spécialisé sur ces nouvelles technologies monétaires et financières.

Historique du développement de la finance

On distingue trois étapes dans le développement des services financiers :

Avant 2000 : Développement de l’ère bancaire, basée sur des services à faible valeur ajoutée, tous quasi identiques (comptes en banque, livrets A, prêts immobiliers, comptes titres,…). Ces produits sont tous proposés par chaque organisme, et sont de qualité parfois moyenne.

2000 : Ère de la différenciation : Création sur internet de produits plus intéressants et innovants par des sociétés ne proposant qu’un seul type de produit, mais le faisant très bien. Exemple : Paypal, qui permet de payer quasi gratuitement, mais ne fait que cela. On gagne donc en coûts, mais cela oblige à confier de l’argent à de nombreuses sociétés, puisque chacune ne propose qu’un seul service.

2010 : Apparition des plateformes : Les plateformes proposent sur internet l’accès aux services des sociétés précédentes. De nombreuses sociétés sont représentées sur une plateforme. Il est donc possible pour un utilisateur de confier ses fonds à une seule plateforme et d’avoir ensuite accès aux services désirés, sans pour autant être lié à une banque. On prend ce que l’on veut, pour peu que cela soit présent sur la plateforme. On parle de « platformization ».

Le principe de la blockchain

Le but initial de la blockchain est de proposer une solution de stockage de données de manière décentralisée et donc qui ne requiert pas d’entité centrale. Les données sur une blockchain sont impossibles à modifier, supprimer, corrompre, permettant à tous d’avoir une confiance absolue dans l’integrite des donnees. 

L’analogie utilisée est celle d’une communauté où chacun aurait un livre décrivant ce que font tous les membres de la communauté. Lorsque l’un des membres fait quelque chose, on l’écrit sur le livre de tous les membres, à la même page. Dès lors, il devient très difficile de falsifier, ou faire disparaître un événement : en effet, pour cela il faudrait qu’une majorité de membres soient d’accord pour dire le contraire de ce qu’il y a écrit dans leur livre. Cela reviendrait donc pour un pirate à prendre le contrôle de la majorité des ordinateurs présents sur la blockchain en question.

Lorsqu’on arrive en bas d’une “page”, on valide la “page” : on parle de bloc. On écrit pour valider un code qui est fonction de ce qui a été écrit dans la page. Le début de la page suivante reprend le code de fin de la page précédente.

Les membres de la communauté qui font la validation sont appelés des « mineurs ».

Si les blockchains servent à émettre des crypto monnaies, elles sont surtout beaucoup utilisées dès qu’une preuve est nécessaire. Cela permet par exemple d’améliorer la traçabilité des produits (Carrefour l’utilise ainsi pour la traçabilité de l’origine de ses aliments). Par contre, cela n’empêche pas les faussaires et les tricheurs de mentir sur l’origine de leurs produits, tout comme actuellement. 

En outre, la blockchain permet à deux personnes d’avoir des relations contractuelles sans avoir besoin de se faire confiance ni même qu’elles se connaissent, et sans intermédiaires. Ainsi cela permettrait a un habitant à l’autre bout du monde de réaliser des opérations financières avec un habitant d’une autre juridiction (par exemple un français emprunterait au Japon, un congolais pourrait investir sur une action au Mexique).

Les tokens

Voir aussi l’article de notre site sur la tokenisation

Les tokens (jeton en français) peuvent être émis sur une blockchain pour représenter une information (une valeur monétaire, un droit de propriété, une identité, etc.). Il s’agit de digitaliser l’information et de la faire vivre et circuler sur une blockchain. Par exemple, pour l’or, on peut digitaliser un droit de propriété après qu’une entité légale comme un notaire ou ensemble d’individus (des mineurs par exemple) en aient vérifié l’authenticité.

Une fois digitalisé, on peut créer un token sur une blockchain qui va représenter ce droit de propriété. La personne qui détient le token est le propriétaire de l’or. L’intérêt du token est qu’il est facilement transmissible, et divisible jusqu’à 18 décimales sur certaines blockchains comme Ethereum. C’est l’équivalent des produits dérivés sur l’or, mais au lieu d’être émis par une institution financière puis tradé sur des échanges ou des courtiers, il peut être émis par n’importe qui et échangé partout dans le monde quasiment gratuitement.

On peut considérer que d’une certaine façon VeraCash a depuis longtemps tokenisé l’or par la possibilité qu’elle nous donne d’acheter une infime part d’or par le biais d’internet, au centime près.

Effectivement, pour VeraCash, la question a été dès le début d’individualiser le token. En effet, si on n’individualise pas les quantités d’or, on tombe dans un régime relevant de l’indivision ; alors chaque propriétaire d’un actif doit avoir l’autorisation des autres propriétaires pour vendre sa part. VeraCash doit donc rendre chaque partie d’un kilo d’or différente en numérotant chaque partie. Cela ressemble donc de fort près à un token.

La tokenisation permet de rendre les actifs digitalisés sécables, liquides et de « débloquer leur valeur intrinsèque ». Par exemple, via la collatéralisation. Il s’agit d’une une technique connue depuis  longtemps, qui consiste à apporter en “hypothèque” son actif pour en libérer la valeur et l’investir ailleurs. Par exemple pour accéder au crédit, un utilisateur pourrait mettre son or tokenisé en collatéral et emprunter sans document administratif, preuve d’identité, ou quoi que ce soit.

Les plateformes

Les plateformes sont une tendance naturelle à l’unification. En quelque sorte un supermarché est une plateforme qui unifie tous les secteurs de consommation quotidienne. En finance, les plateformes sont des interfaces qui permettent à un seul compte d’interagir avec plusieurs services différents.

Par exemple il existe des plateformes où l’on peut connecter tous ses comptes bancaires et les gérer en un seul endroit. Ces plateformes ont commencé à intégrer des organismes de crédit, d’assurance, et d’autres services.

La blockchain est une technologie centrée autour de l’utilisateur. Telle une plateforme, depuis leur portefeuille numérique, les utilisateurs peuvent se connecter à des centaines d’applications sans avoir besoin de recréer de compte. La blockchain s’inscrit donc dans la mouvance de la plateformisation et de l’open finance.

Pour en savoir plus sur ces technologies, rendez-vous sur notre partie du site consacrée aux Technologies Numériques

5 commentaires

  1. Daniel PETIT-VIDAL Auteur de l’article

    Bonjour à tous,

    il n’y a actuellement que quelques livres sur le protocole de la Blockchain; Je suis vivement intéressé par cette  » nouveauté  » qui se met en place et je ne souhaite pas rester au bord de la route en ne maîtrisant bien son fonctionnement quand elle commencera d’être une connaissance généralisée.

    l’un d’entre nous peut-il me recommander un livre clair et complet sur le sujet.

    D’avance merci et cordialement à tous

  2. DANYJO

    Depuis ce message j’ai cherché et trouvé quelques pistes :

    Le site Blockchain France ( fort intéressant) offre en téléchargement gratuit des documents clairs assez complets et a portée de débutants :
    a) LA BLOCKCHAIN DÉCRYPTÉE
    b) L’AGE DU WEB DÉCENTRALISE

    D’autre part les Ed. EYROLLES éditent  » BLOCKCHAIN vers de nouvelles chaines de valeur  » un livre qui traite de manière très complète ce problème. J’y ai trouvé une mine d’informations. espérant que ce message pourra rendre service à d’autres. Cordialement

  3. FRANCK CHANAL

    Bonjour à tous,
    merci pour ces infos. Les documents téléchargeables du site blockchainfrance.net sont en effet très riches et complets. Il y a des études qui touchent des secteurs de l’économie très divers.
    cordialement

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